Bien que j’ai pris une retraite bien méritée, j’ai gardé mon cartable de professeure de l’école laïque de la République Française. Alors en hommage à Samuel Paty, ce collègue sauvagement assassiné le 16 octobre 2020 par un barbare inculte, voici un petit cours d’Histoire de l’Art.
Dès son apparition au quinzième siècle, la technique de l’estampe ou gravure est considérée par les artistes comme le moyen d’avoir une totale liberté d’expression que ne leur permettaient pas les commandes de grandes peinture de genre. Ainsi les dessinateurs ne se sont pas privé de critiquer la Monarchie et l’Eglise. Pendant des siècles, caricatures et pamphlets furent imprimés et diffusés dans les campagnes avec tout autant d’images pieuses et coquines par les colporteurs (marchands ambulants) qui les transportaient dans une hotte sur leur dos. Les idées des Philosophes des Lumières circulèrent ainsi. Ci-dessus le roi Louis Philppe dessiné comme une poire en 1831 par Charles Philipon, qui sera avec le « Charivari » le créateur du journal à caricatures…
Depuis le Moyen-âge, les métiers d’artisanat sont gérés en France par des corporations qui les organisent et les contrôlent : impossible d’exercer une de ces profession sans leur agrément. Mais il n’en fut rien pour les graveurs dont la liberté fut souvent menacée par des réformes. En 1651, le Surintendant Mansart tenta d’imposer un système de contrôle et de taxes, mais les graveurs ne se laissèrent pas soumettre. Suite à leur révolte, le jeune roi Louis 14 signe en 1660 l’édit de Saint-Jean-de-Luz accordant LIBERTE TOTALE à tous les graveurs et autres faiseurs d’images ! En voici un extrait :
« la gloire de la France dont l’avantage est de cultiver autant qu’il est possible les arts libéraux, tel qu’est celui de la gravure, qui dépend de l’imagination de ses auteurs et ne peut être assujetti à d’autres lois que celles de leur génie … Sa Majesté maintient et garde l’art de la gravure, et autres manières … en la liberté qu’ils ont toujours eu de l’exercer dans le royaume… sans règles ni contrôles »
Ce qui ne les empêcha pas de critiquer la politique intolérante du Monarque vis à vis des protestants (gravure ci-dessus).
C’est pourquoi l’estampe est toujours fêtée en France le 26 mai, date anniversaire de ce fameux Edit Royal.
Louis 16 et Marie Antoinette en Bouc et Hyène juste avant la Révolution de 1789
Plus tard les caricatures furent diffusées par la presse satirique, très prolifique à la fin du 19ème siècle, et souvent cruellement anticléricale pour revendiquer la laïcité de l’Ecole, obtenue en 1905 avec la Loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Analyse de l’image ci-dessus : vers 1870 l’âne Aliboron, guidé par un prêtre, signe la pétition contre Jules Ferry (fondateur de l’école obligatoire et gratuite). Ce qui sous-entend que l’école religieuse éduque des ânes (soit des idiots qui portent toujours des œillères). C Q F D
Aujourd’hui l’estampe s’est enrichie de nouvelles techniques, tout en perpétuant les savoir-faire ancestraux de la gravure sur bois et métal. Et malgré la censure qui tenta à certaines époques de museler les dessinateurs, ceux-ci continueront toujours à gribouiller sans limites.
Site de la Fédération Nationale de l’Estampe
https://www.manifestampe.org/
Musée de la Caricature de Presse et d’Humour
//centredessinpresse-stjust.com/
Merci Marie-Paule pour cet article malheureusement d’actualité. Pourquoi ne pas le faire publier dans la presse ? Amicalement,
Danielle
J’ai bien sûr écrit cet article en réaction à l’actualité. Mais je ne suis pas journaliste mais bloggeuse …